Page:Alanic - L essor des colombes.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée

affirmait Eva qui, très attachée aux petits commensaux du foyer, s’inquiétait déjà de confier la chatte Hermine aux voisins indifférents, pendant que l’oncle Balthazar s’en irait au fond du port, dans le quartier Saint-Sauveur, chez la femme de ménage. — Que penseraient-ils de ce délaissement, en leurs cerveaux de bêtes ?

Mais au-dessus de ces détails prosaïques planaient des visions grandioses, inconnues encore aux yeux, mais que les imaginations s’ingéniaient à inventer : crêtes neigeuses, cascades bouillonnantes, vallons abrités…

Elles se reflétaient certainement, ces perspectives chimériques, dans les prunelles extasiées de Geo. Il les voyait aussi, ce bon M. Servain, vibrant en phosphènes étincelants, sur les pages du livret de chemin de fer ! Il les apercevait plus vivement encore, ce grand Gabriel, comme un fond de tableau primitif, tendu derrière une tête jeune et fière, serrée étroitement de bandeaux lustrés ! Et une griserie double excitait le jeune homme — artiste et amoureux.

Il s’épanouissait comme nulle part ailleurs, en cette intimité aimable, si différente de son propre intérieur qu’avait glacé trop tôt la perte de sa mère. Ici, il retrouvait le souvenir de la disparue, amie de Mme  Servain. Avec quel bonheur Gabriel acquerrait une place, un droit, un titre dans cette famille bénie, entre ces trois gracieuses filles, si diversement charmantes !