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LXII

GRIBOUILLE

Ceux qui se livrent aux accès de toux avec une espèce de fureur espèrent bien qu’ils vont se soulager d’un petit chatouillement dans la gorge ; par cette belle méthode ils s’irritent la gorge, ils s’essoufflent, ils s’exténuent. Aussi dans les hôpitaux et autres maisons de santé, on apprend aux malades à ne point tousser ; ce qui se fait d’abord en se retenant de tousser autant qu’on peut ; mieux encore en avalant sa salive juste au moment où l’on va tousser ; car l’un de ces mouvements exclut l’autre ; et enfin en ne se laissant point indisposer et courroucer par ce petit chatouillement, qui se calme de lui-même dès que l’on arrive à le mépriser.

Pareillement, il y a des malades qui se grattent et qui se donnent ainsi une espèce de plaisir trouble, mêlé de douleur, qu’ils payent ensuite par des douleurs plus cuisantes. De même que ceux qui toussent de tout leur cœur, ils arrivent à une espèce de fureur contre eux-mêmes. C’est une méthode de Gribouille.

L’insomnie offre des drames du même genre où l’on souffre du mal que l’on se fait à soi-même. Car