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CHAPITRE III

OÙ IL EST PROUVÉ QUE L’ON A SOUVENT TORT DE PARLER TROP HAUT EN PUBLIC.


Les deux jeunes gens avaient bon appétit ; les huit mois qu’ils venaient de passer à bord du Formidable, en les condamnant à une chère d’anachorètes avaient encore aiguisé cet appétit dans des conditions véritablement fantastiques ; aussi firent-ils un chaleureux accueil aux mets délicats placés devant eux. C’était plaisir de les voir se délecter en goûtant tour à tour de toutes ces bonnes choses dont ils avaient été sevrés pendant si longtemps ; Ivon Lebris, surtout, s’en donnait à cœur joie : son assiette se vidait avec une rapidité fantastique ; comme le faisait observer le brave Breton, il essayait de rattraper le temps perdu.

Le fait est que les équipages des bâtiments de la marine du gouvernement français, surtout à l’époque dont nous parlons, étaient assez mal nourris, pour ne pas dire plus ; les gourganes et les fayots, c’est-à-dire des fèves et des haricots remplis de vers, formaient le fond de leur nourriture ; nos jeunes marins étaient donc jusqu’à un certain point excusables de prendre une revanche