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tice me révolte ; elle trouvera toujours en moi un adversaire acharné. Telle qu’elle est constituée, la société n’est que l’association des forts contre les faibles ; malheur aux vaincus ! est la grande loi sociale. Seul, au milieu de tous, j’accepte l’ostracisme injuste qui me frappe ; je ne hais pas, je méprise ; je n’aime que toi, que je vais quitter, peut-être pour toujours, et une pauvre chère enfant que sans doute je ne reverrai jamais ; que la volonté de Dieu soit faite ! Si plus tard le hasard nous réunit, Ivon, je te raconterai ce que je sais de mon histoire, et tu frémiras en m’écoutant.

Il y eut un silence ; la tête d’Olivier était tombée sur sa poitrine la main gauche appuyée sur un canon, il songeait.

— Pourquoi ne pas patienter ? dit Ivon après un instant ; ne sommes-nous pas ensemble, matelot ?

— À cause de toi, je l’aurais fait, répondit Olivier ; j’y étais presque résolu.

— D’où vient alors que maintenant tu veux partir ?

— Dis-moi, matelot, reprit le jeune homme en souriant, tu dois savoir cela, toi, quartier-maître de timonerie ; est-ce que vraiment l’état-major du vaisseau se rendra après-demain à Puerto-Santa-Maria ?

— Pourquoi cette question ?

— Réponds-moi.

— Les officiers ont appris, je ne sais comment, que le chiclanero donne des courses de taureaux à Puerto-Santa-Maria. Alors…

— Il parait que ce chiclanero est la plus célèbre espada de toute l’Espagne ?