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tinue à travers les cordages du bâtiment corsaire, tendus comme les cordes d’une harpe éolienne.

C’était la magnifique et délicieuse soirée d’un beau jour.

La conversation du capitaine et de ses passagers était assez animée.

Sur l’avant, les matelots, groupés sur le gaillard, chantaient en chœur la fameuse ronde des corsaires de Roscoff, si connue alors de tous les marins bretons, et qui commence ainsi :

Nous étions trois corsaires,
Tous les trois vent arrière,
Sans pouvoir nous quitter ! (bis)
La petite Dorade,
Filant comme un orage,
Dans la nuit nous laissa t (bis)
Le matin à l’aurore,
Nous aperçûmes un cotre,
Un cotre au vent à nous !
C’était une jolie frégate,
Qui nous donnait la chasse,
La mouche auprès de nous ! (bis)

Cela continue ainsi pendant cinquante couplets, dans lesquels on célèbre, en style très-goudronné, les avantages, les joies et les bonheurs, sans parler des gloires de la belle vie de corsaire.

Les chants des marins, quelle que soit leur poésie, ont tous une harmonie pleine de mélancolie qui impressionne et dispose, malgré soi, l’âme à la rêverie. Doña Dolorès subissait l’influence de ces chants, dont les mélodies tristes lui arrivaient par bouffées, sans qu’elle essayât même d’en saisir les paroles, sans intérêt pour elle, et que d’ailleurs elle n’aurait pu comprendre à cause des termes nautiques dont la ronde était bourrée.

— Que comptez-vous faire de votre prisonnier, mon cher capitaine ? demandait don Diego à Oli-