Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Capitaine, j’ai été élevé par les Comanches, qui sont des Indiens sobres ; je ne bois que de l’eau.

— Alors, c’est parfait ! Je sens qu’avant deux jours nous serons bons amis.

Voici de quelle façon je fus nommé au moment où je m’y attendais le moins, second du brick-goëlette négrier la Fortune, capitaine Galhaubans.

M. Lugox m’obligea à accepter une somme de deux mille francs pour m’acheter tout ce qui me manquait ; véritablement je n’avais rien ; les vêtements que je portais n’étaient pas même à moi.

Second d’un navire à vingt ans, cela est fort beau ; aussi étais-je tout fier de mon nouveau grade.

Quatre jours plus tard, la Fortune appareilla.

Je n’ai jamais revu M. Lugox ni le docteur Legañez, mais je conserve de tous deux un reconnaissant souvenir.

Pendant les premiers jours qui suivirent le départ, le capitaine me tâta ; mais il ne tarda pas à reconnaître qu’il pouvait se fier à moi, et dès lors il me laissa agir à ma guise.

Le capitaine Galhaubans cumulait : il était à la fois corsaire et négrier. Quand il sortait d’un port sur lest pour se rendre à la côte, il faisait monter de la cale une douzaine de caronades, les mettait en batterie et il s’amusait à flâner, pendant un mois ou deux, sous les tropiques, aux environs des débouquements ; alors il était corsaire, et malheur aux bâtiments espagnols que leur mauvaise chance plaçait par son travers : il s’en emparait la hache au poing et massacrait tous les pauvres diables qu’il trouvait à bord ; puis, après avoir pillé le char-