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que cela me ferait tant de peine de me séparer d’eux.

Le cuisinier prit deux avirons, moi la barre du gouvernail ; on me cria : Adieu ! et le canot déborda.

Nous étions à peine à portée de pistolet de la côte ; quelques minutes suffirent pour atterrir ; je débarquai sur une plage plate et sablonneuse ; le cuisinier me passa mon sac, m’embrassa, me serra la main et partit.

Je m’assis sur le sable, et je pleurai en regardant s’éloigner le chasse-marée, qui avait remis le cap en route, et filait comme un alcyon sur le dos des lames.

Ce pauvre petit chasse-marée, où j’avais tant souffert, je le regrettais, je sanglotais en le voyant décroître à l’horizon : c’était encore pour moi la patrie !

Cette fois j’étais seul, bien seul, abandonné sur une côte inconnue, sans ami, sans même comprendre la langue des habitants du pays avec lesquels j’allais vivre !

Plusieurs heures s’écoulèrent ainsi, sans que je fisse un seul mouvement, les yeux obstinément fixés sur la mer, bien que depuis longtemps le chasse-marée eût disparu ; et pleurant toujours à chaudes larmes, je ne me sentais plus ni énergie ni courage. Je crois que je serais mort là, sans penser à en bouger, si tout à coup une main ne s’était posée sur mon épaule, en même temps qu’une voix forte me disait, d’un ton de bonne humeur, quelques mots que je ne compris pas.

Je relevai la tête, et je regardai d’un air hébété.

Trois hommes assez bien mis, mais en costume