Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la tête un surouest goudronné ; ce surouest ressemble assez par la forme aux chapeaux des déchargeurs de charbon, sur les ports.

Allumée ou non, le patron Cabillaud portait constamment au coin de sa bouche une pipe à tuyau microscopique et noire comme de l’encre ; je crois qu’il dormait avec.

Il la nommait Gertrude. Pourquoi ? je ne sais.

Ses traits étaient presque repoussants ; il avait de petits yeux gris profondément enfoncés dans l’orbite ; un nez en forme de pomme de terre, violet bubeleté de rubis, des pommettes saillantes, sur lesquelles se croisaient et s’enchevêtraient d’innombrables réseaux de veines violettes ; une barbe longue taillée en collier ; une bouche grande comme un four, garnie de dents blanches et larges comme des amandes ; des oreilles violettes, auxquelles pendaient de larges anneaux d’or à ancres, et, pour compléter cette physionomie peu avenante, l’air toujours de mauvaise humeur ;

Enfin, une vraie figure de vent de bout, comme disaient entre eux les matelots de l’équipage.

Ceux-ci ressemblaient, trait pour trait, à leur chef, avec cette différence qu’ils exagéraient encore sa brutalité et sa méchanceté.

Moi, si bien traité, si choyé jusqu’à ce jour, je devins immédiatement le souffre-douleur de ces misérables ; ils semblaient, de parti pris, vouloir m’assommer ; ils ne me parlaient qu’en me frappant et m’accablant d’injures.

Je ne citerai qu’un fait :

Depuis deux jours nous étions sous voiles ; nous remontions vers le nord, bonne route avec forte brise ; à la grande surprise de l’équipage, bien que