Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— N’est-ce que cela ? dit-elle en riant avec insouciance ; je ne vois pas là grande raison de s’effrayer ; nos amis ne nous voyant pas revenir, se mettront à notre recherche ; il est impossible qu’ils ne nous retrouvent pas, si nous ne les retrouvons pas nous-mêmes.

— Je suis heureux de vous voir si courageuse, mademoiselle.

— Qu’ai-je à redouter ? n’êtes-vous pas près de moi ? depuis que je vous ai rencontré pour la première fois, je ne compte plus les services que vous m’avez rendus ; aussitôt qu’un danger m’a menacée, je vous ai toujours vu apparaître à mes côtés, prêt à me défendre et toujours votre protection m’a sauvegardée.

— Mademoiselle !

— Oh ! je ne suis pas ingrate ! si je ne vous ai rien dit, c’est que les circonstances ne m’ont pas permis de le faire ; mais puisque aujourd’hui l’occasion s’en présente enfin, je la saisis avec empressement, monsieur, pour vous témoigner toute la reconnaissance que j’éprouve pour les services que vous m’avez rendus.

En parlant ainsi, le visage de la jeune fille s’était couvert d’une pâleur subite ; elle avait baissé ses yeux si doux, dans lesquels brillaient des larmes.

— Oh ! mademoiselle ! que suis-je ? pour que vous daigniez me parler ainsi que vous le faites ; si j’ai été assez heureux pour vous rendre quelques services, j’ai trouvé dans mon cœur, tout le prix que j’en pouvais attendre ; je ne saurais rien réclamer de plus. Je ne suis qu’un être obscur ; perdu dans la foule, dont jamais, hélas ! je ne réussirai à sortir ; je suis trop loin de vous pour qu’un de vos regards s’égare sur moi.

— Vous êtes injuste, et vous me jugez mal, monsieur. L’affection que vous porte mon père est grande ; ma mère vous considère comme un ami fidèle et dévoué ; ne me permettez-vous donc pas de vous regarder moi aussi comme tel.

— Cette amitié, mademoiselle me comble de joie, dit-il avec une profonde expression de tristesse ; elle dépasse