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veuille pas dire de mal de vous, vous êtes les hommes les plus ignorants des choses de la vie, qui se puissent voir ; ainsi par exemple vous venez de Mexico, n’est-ce pas ?

— Pas directement, répondit l’Olonnais avec un sourire.

— Eh bien ! je parie, et remarquez bien que je suis sûr de mon fait, que vous êtes assez inconséquents et assez fous, pour ne pas avoir songé à vous munir d’une passe de l’alcalde mayor de Mexico ?

— Une passe ? pourquoi faire ? demanda l’Olonnais surpris et en même temps effrayé de cette question.

— Comment pourquoi faire ? reprit don Pedro Garcias avec un gros rire, mais pour circuler librement dans toute la vice-Royauté !

— Voilà cinq ans, dit l’Olonnais avec un aplomb magnifique, que nous faisons le commerce dans l’intérieur, Guanajuato, à Guadalaxara, Mexico, Puebla de los Angelos, enfin dans toutes les villes qui entourent la capitale, dans un périmètre de cinquante et même de cent lieues ; jamais on ne nous a demandé une semblable passe ; j’ignorais même, je vous l’avoue, qu’on en exigeât une.

— Là ! n’en étais-je pas sûr ! s’écria l’haciendero en riant ; quand je vous le disais ! mais hombres de Dios ! faire le commerce dans l’intérieur, et le faire sur la côte, ce n’est pas du tout la même chose. Pour trafiquer sur la côte, il faut être muni de papiers parfaitement en règle ; de passes légalement visées par les autorités des villes où vous avez passé ; ignorez-vous donc que la Vera-Cruz est une place forte ? que personne n’y peut pénétrer sans autorisation ? Caraï ! compadre ! vous alliez commettre une jolie bévue ! vous n’auriez pas plutôt montré votre nez à la garita de la Vera-Cruz, que l’on vous aurait bel et bien arrêtés, et qui sait ? peut-être vos marchandises auraient-elles été confisquées ?

— Eh ! voilà qui est sérieux ! dit l’Olonnais.

— Comment faire ? ajouta Pitrians.