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maines entières tourné dans le même cercle ; et qui, s’ils n’ont pas succombé, ont été retrouvés, les cheveux blanchis et privés de raison ; il est admis en principe, que lorsqu’on est perdu dans une forêt vierge, on y meurt.

Après avoir marché pendant environ une demi-heure, l’Olonnais reconnut avec épouvante, qu’il s’était égaré.

Il déposa doucement son léger fardeau à terre ; il craignait en continuant à marcher, de s’égarer davantage ; et allant puiser de l’eau dans son chapeau à une source voisine de l’endroit où il se trouvait, il essaya de faire revenir la jeune fille à elle.

L’évanouissement de doña Violenta, avait été causé seulement par la terreur profonde qu’elle avait éprouvée, à la brutale agression dont elle avait failli être victime. Elle ne tarda pas à ouvrir les yeux ; sa surprise fut extrême, en se voyant seule avec l’Olonnais, dans un lieu aussi désert.

De toutes les facultés de l’homme, la mémoire est celle qu’il perd le plus vite, mais aussi celle dont en général il reprend le plus tôt possession.

La jeune fille se rappela bientôt les événements qui s’étaient passés ; une légère rougeur empourpra ses joues pâlies, et fixant son doux regard sur le flibustier, en même temps qu’elle essayait de sourire :

— Oh ! je me souviens, dit-elle, c’est vous qui m’avez sauvée !

— Hélas ! mademoiselle, répondit l’Olonnais, je donnerais ma vie, pour que vous disiez vrai ; mais je crains malheureusement de ne vous avoir sauvée d’un danger terrible, que pour vous exposer à un plus terrible encore !

— Que voulez-vous dire ? murmura-t-elle.

— C’est en vain que depuis une demie-heure j’essaie de rejoindre mes compagnons. Vous le savez, je ne suis que depuis peu dans ce pays ; je ne le connais pas, et force m’est de vous avouer que je ne retrouve plus ma route.