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membre de la famille ; par conséquent libre d’agir à sa guise, sans être exposé à ce feu roulant de questions indiscrètes, dont, dans notre bienheureux pays, si avancé dit-on, en civilisation, on accable sans rime ni raison les étrangers.

Les deux arrieros, après avoir déchargé leurs mules avec l’aide des peones, et les avoir confortablement établies dans un corral spacieux, furent conduits dans les chambres disposées pour eux ; afin de se livrer au repos, jusqu’à l’heure prochaine du déjeuner.

Deux jours se passèrent, pendant lesquels les deux étrangers furent traités avec les plus grands égards. Don Pedro Garcias dont les journées s’écoulaient à ne rien faire, s’était institué leur cicérone. Non-seulement il leur fit visiter la ville dans ses plus minutieux détails, mais encore il les présenta à plusieurs personnes riches, dont le patronage pouvait plus tard leur être fort utile.

De plus il leur ouvrit l’entrée des maisons où l’on jouait gros jeu, et dans lesquelles pour soutenir leur rôle de Mexicains, les deux aventuriers risquèrent quelques onces.

Chose singulière, le hasard sembla s’obstiner à leur être favorable au monte ; s’ils avaient continué à jouer sérieusement, peut-être auraient-ils gagné de très-grosses sommes ; mais ils eurent la prudence de s’abstenir ; ils se contentèrent d’acquérir la réputation de beaux joueurs, auprès de toutes les personnes avec lesquelles ils furent engagés.

L’Olonnais et Pitrians avaient défait une partie des ballots apportés, pour satisfaire la curiosité des jeunes filles de don Pedro Garcias. Ils leur avaient fait admirer de magnifiques crêpes de Chine brodés, des coupons de soie du plus haut prix, des bijoux de toutes sortes ; mais, malgré les prières les plus pressantes, ils avaient refusé de vendre quoi que ce fût à Medellin ; réservant, disaient-ils, leurs marchandises pour la Vera-Cruz, où ils espéraient en trouver un placement beaucoup plus avantageux, en les vendant en bloc à quelque grande maison de commerce.