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De son côté, l’Olonnais comprenant que son ami désirait être seul, s’attachait à ne se rencontrer avec lui que le moins possible, et à ne lui adresser que des questions banales, qui ne pussent en rien l’embarrasser. Un matin cependant, contrairement à l’habitude qu’il avait prise, Vent-en-Panne ne sortit pas à l’heure de son déjeuner ; les deux amis se rencontrèrent face à face devant la même table.

Pendant tout le repas la conversation roula sur des sujets insignifiants, mais lorsque le café eut été servi, que les engagés se furent retirés, Vent-en-Panne bourra sa pipe, l’alluma, puis se penchant sur la table et poussant le pot à tabac vers son ami :

— Maintenant, matelot, dit-il causons.

— Mais il me semble que nous ne faisons que cela, depuis le commencement du déjeuner, répondit l’Olonnais avec une feinte surprise.

Vent-en-Panne haussa les épaules.

— Non, reprit-il, nous pelotons, en attendant partie.

— Pour être vrai, je m’en doutais un peu, fit l’Olonnais, ainsi nous allons véritablement causer ?

— Oui, fit-il, si tu y consens.

— Je ne demande pas mieux.

Vent-en-Panne posa les deux coudes sur la table, la tête dans ses mains et lâchant une énorme bouffée de tabac, tout en conservant sa pipe rivée au coin de ses lèvres :

— Matelot, lui demanda-t-il ex abrupto, sais-tu parler espagnol.

— Oui, répondit l’Olonnais tout interloqué par la physionomie narquoise de son ami ; mais pourquoi cette question ?

— Tu vas voir ; parles-tu bien l’espagnol ?

— J’ai fait pendant six ans le cabotage sur la côte d’Espagne, depuis Port-Vendre jusqu’à Cadix, à bord d’un navire de Gijon ; je parle et j’écris l’espagnol avec