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vous donc là, maître Chanteperdrix ? ajouta-t-il d’une voix goguenarde.

— Je… je ne sais pas, balbutia l’autre.

— Ah ! vous ne savez pas ? cela est singulier ! je crois que vous le savez fort bien au contraire ; vous vous échappiez, hein, mon maître ?

— Eh ! quand cela serait, capitaine ! est-il donc défendu à un pauvre diable d’essayer de sauver sa vie, dans une nuit comme celle-ci ?

— Nullement ; mais vous vous sauviez bien vite ; on vous poursuivait donc ?

— Personne, illustre capitaine, mais j’avais hâte de me mettre en sûreté, je vous l’avoue.

— Je ne vois aucun mal à cela au contraire, il n’est pas défendu de chercher à sauver sa vie ; ainsi donc, vous couriez vers le rempart ?

— Hélas ! oui, noble capitaine ; si je n’avais pas eu la male chance de vous rencontrer je l’aurais atteint déjà ; mais je n’ai pas de bonheur.

— Allons, allons, mon maître, tout cela s’arrangera peut-être beaucoup mieux que vous ne le supposez ; nous ne sommes pas aussi féroces, nous autres boucaniers, qu’on nous en fait la réputation. Il est vrai que je suis votre ennemi, mais je vous avais moi-même autorisé à vous retirer ici ; je n’ai donc aucunement l’intention de vous nuire ; ma parole vous garantit ; voyons, relevez-vous, mon maître.

Et il lui tendit la main.

Chanteperdrix se releva péniblement.

— Seriez-vous blessé ? lui demanda Vent-en-Panne.

— Non, je ne crois pas, mais j’ai le corps tout endolori.

— Bon ! ce ne sera rien, consolez-vous ; il est heureux pour vous de m’avoir rencontré, sans cela, vous n’auriez jamais réussi à sortir de la ville ; suivez-moi, je vais vous mettre en lieu de sûreté.

— Vraiment, vous feriez cela ? fit l’autre avec un sourire cauteleux.