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— Il a fait plus encore, madame, pour m’empêcher de reparaître dans cette société dont il me bannissait ; il m’a marqué comme un forçat, d’une fleur de lys.

— Oh ! fit la duchesse se levant et rayonnant comme la Némésis antique, mon brave frère ! moi qui l’accusais !

— Oui ! oui ! reprit le Chat-Tigre, d’une voix triste, cela doit être ainsi ; le sang florentin qui coule dans vos veines, madame, s’échauffe et bouillonne, au récit de cette vengeance, vous êtes heureuse, vous triomphez ! Eh bien soit, madame, je ne me plaindrai pas.

— Mais vous ne me dites pas, monsieur, ce qui s’est passé ensuite ?

— Et vous tenez à le savoir, n’est-ce pas, madame ?

— Je l’avoue ; oui, monsieur.

— Je ne vous dirai pas, madame, comment, à force de courage, de volonté, de persévérance, je réussis un jour à briser ma chaîne, et à reconquérir ma liberté, je n’entrerai non plus dans aucun détail sur la lutte gigantesque qu’il m’a fallu soutenir, pour gagner denier à denier, la somme nécessaire à l’accomplissement des projets que j’avais ; enfin je parvins à rentrer en France ; à force de chercher, d’interroger, de semer à pleines mains cet or, qu’il m’avait fallu tant de peines et de temps pour amasser, je finis par découvrir que pendant votre sommeil léthargique, vous étiez accouchée d’un fils, dont le docteur Guénaud s’était chargé ! Je me rendis à Paris ; le docteur Guenaud était mort ; le fil que je croyais tenir se brisait dans mes doigts. Je cherchai, je m’informai de vous, madame ; j’appris que vous étiez mariée, que vous étiez mère. Je me présentai à votre hôtel ; huit jours auparavant vous étiez partie pour Madrid avec votre mari ; je vous suivis en Espagne, je gagnai Madrid ; la première nouvelle que j’appris fut celle de votre départ pour la France. C’en était trop ; si mon courage resta le même, mes forces m’abandonnèrent. Pendant cinq mois, je demeurai entre la vie et la mort. Oh ! pourquoi n’ai-je pas