Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Hélas ! mon ami, répondit-il, tout ce que nous avons fait n’a servi qu’à précipiter la catastrophe que nous voulions prévenir.

— Explique-toi ? tu m’inquiètes.

L’Olonnais comprit que mieux valait tout dire à son matelot, dont le secours, ou tout au moins les conseils pourraient lui être fort utiles.

— Pendant que nous surprenions la ville, dit-il d’une voix étouffée, à l’instant même où le duc oubliant généreusement toutes les insultes dont ses compatriotes l’avaient abreuvé, se mettait bravement à leur tête, des bandits s’introduisaient dans sa maison, assassinaient ses serviteurs et enlevaient sa femme et sa fille !

— Mille tonnerres ! s’écria Vent-en-Panne en pâlissant, tu me vois brisé par l’indignation, nomme-moi ces hommes, matelots ! quels qu’ils soient, ils mourront !

— Ils ne sont pas des nôtres, ce ne sont pas des flibustiers, mais des Espagnols.

— Des Espagnols ?

— Oui, des bandits de sac et de corde, ayant à leur tête notre plus implacable ennemi, le Chat-Tigre en un mot !

— Elles sont entre les mains du Chat-Tigre ! s’écria Vent-en-Panne en proie à une émotion indicible ; alors nous n’avons pas un instant à perdre ! ce monstre est capable de tout ! il faut voler à leur secours ! ah ! pourquoi ne m’as-tu pas prévenu plus tôt ?

— Eh, mon ami, je le voulais ! mais pouvais-je interrompre les négociations ? Les affaires publiques ne doivent-elles pas en toutes circonstances passer avant les affaires privées ?

— Mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria Vent-en-Panne se cachant le visage dans les mains.

— Je te remercie, mon ami, de l’intérêt que tu portes à ce qui m’arrive ; dit l’Olonnais, se méprenant à la douleur terrible de Vent-en-Panne ; je vois que tu m’aimes réellement.