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qua au Port-Margot, où il séjourna pendant un mois, environ, dans une maison louée pour lui par le gouverneur. Je n’eus pas l’honneur d’être présenté à M. le duc de la Torre pendant ce temps ; j’évitai même de me rencontrer avec lui et je vous dirai franchement, tout en vous priant d’excuser ce que mes paroles peuvent avoir de désagréable pour vous, que je n’ai pas voulu avoir de rapports avec M. le duc de la Torre, ni directs ni indirects, ni lui être présenté, parce que M. le duc est Espagnol et qu’à tort ou à raison je professe une haine implacable contre les Espagnols. Deux ou trois jours avant le départ de M. le duc, tandis que je chassais dans le Grand Fond, près de l’Artibonite, avec mon matelot et quelques engagés, une fusillade bien nourrie se fit entendre à une courte distance ; j’accourus au bruit ; plusieurs gentilshommes français, dont le gouverneur M. d’Ogeron, avaient été à l’improviste attaqués par des bandits espagnols, soutenus par trois cinquantaines. Ces gentilshommes, parmi lesquels se trouvait M. le duc de la Torre, se défendaient avec acharnement. Je fus assez heureux pour réussir à les dégager ; c’est à peine si j’eus le temps d’entrevoir pendant un instant et pour la première fois, M. le duc de la Torre. Lorsque, trois jours plus tard, je rentrai à Port-Margot, j’appris que M. le duc de la Torre était parti pour la Vera-Cruz, à bord d’un vaisseau français ; telles sont, messieurs, les relations qui ont existé entre M. le duc de la Torre et moi ; nous nous sommes à peine entrevus, nous ne nous sommes jamais parlé. Quant à mon expédition contre la Vera-Cruz, il l’ignorait complétement et devait l’ignorer ; j’avais depuis plusieurs mois conçu ce projet, que je mûrissais secrètement et dont je n’avais dit un mot à personne. Je jure sur l’honneur que toutes les accusations portées contre M. le duc de la Torre, toutes les trahisons qui lui sont imputées sont fausses et calomnieuses : du reste, ajouta-t-il avec amertume, il me semble, messieurs, que la conduite tenue aujourd’hui par M. le duc, n’est pas précisément celle d’un ami, ou d’un allié, mais bien celle d’un