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vous feigniez l’ignorance la plus complète, je sais que vous avez deviné qui nous sommes ; nous suivre plus longtemps dans notre voie, serait vous perdre, sans utilité pour nous ; d’ici à quelques minutes, je vais risquer ma tête, je ne veux, sous aucun prétexte, risquer la vôtre ; vous me comprenez, n’est-ce pas, don Pedro ? Je n’ai donc pas besoin d’insister, laissez-moi sortir ; ne vous informez pas de quel côté je me dirige ; oubliez-moi, si faire se peut ; et surtout quand on vous interrogera à ce sujet, ne craignez pas de soutenir que mon ami et moi, avons abusé de l’hospitalité que vous nous aviez si généreusement donnée, pour vous tromper indignement…

— Oh ! señor !

— N’insistez point sur ce sujet, don Pedro ; nous nous comprenons, n’est-ce pas ? embrassez-moi et séparons-nous.

Les deux hommes tombèrent dans les bras l’un de l’autre.

— Allons, adieu, don Pedro ; qui sait si nous ne nous reverrons pas bientôt ; dans tous les cas, souvenez-vous, quoi qu’il arrive, que vous avez deux amis sur lesquels vous pouvez compter en tout et pour tout ; adieu, encore.

Le jeune homme monta sur le cheval que l’haciendero tenait prêt, s’enveloppa dans son manteau de façon à ne pas être reconnu de ceux qu’il rencontrerait ; puis il s’éloigna au grand trot de Medellin, et se dirigea vers la mer.

Il était près de sept heures du soir, lorsque Pitrians se sépara de son hôte ; il lui fallut plus d’une heure pour attendre la falaise.

La nuit était sans lune, le ciel bas, couvert de nuages.

Il n’y avait pas un souffle dans l’air ; cependant la mer roulait des lames monstrueuses, qui venaient avec fracas se briser sur la plage ; la chaleur était étouffante ; parfois un éclair verdâtre zigzaguait les ténèbres et donnait un aspect fantastique aux accidents du paysage, qu’il