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well fut ficelé comme une carotte de tabac ; on lui attacha une pierre au cou, puis lorsqu’il eut été placé en travers sur la croupe du cheval qui l’avait conduit dans ce lieu, où il devait trouver la mort ; l’haciendero se mit en selle, sortit de la grotte, fit avancer le cheval assez loin dans la mer pour qu’il perdît pied et lorsque l’animal eut nagé pendant environ dix minutes en avant, le Mexicain laissa tomber le cadavre à l’eau et s’en revint vers le rivage où Pitrians l’attendait ; arrivé là, il mit pied à terre.

— Que faisons-nous du cheval ? demanda l’haciendero.

— Pauvre bête, il n’est pas coupable, lui ! retirez-lui la selle et la bride, et abandonnez-le à son instinct, il saura bien retrouver son corral.

— Vous avez raison, señor, pas plus que vous, je n’aurais le courage de tuer ce pauvre animal ; laissons-le donc libre. Qu’on le retrouve ou non, notre position est tellement mauvaise qu’elle ne peut guère empirer. D’ailleurs qui s’intéressera au sort d’un drôle, comme celui que nous venons de jeter à la mer ? personne.

Tout en discourant ainsi, l’haciendero avait désellé l’animal, et lui appliquant une forte claque sur la croupe.

— Allons, dit-il, va ! te voici libre !

Le cheval poussa un hennissement joyeux, fit deux ou trois courbettes, en lançant des ruades à droite et à gauche ; pointa les oreilles, s’élança au galop, et détala avec rapidité dans la direction de la Vera-Cruz.

— Le voilà parti, dit l’haciendero, demain à l’ouverture des portes de la ville, on le trouvera ; avez-vous un cheval ?

— Oui ; il est caché à quelques pas d’ici sous le couvert.

— Hâtez-vous de l’aller chercher, il faut que nous partions ; Caraï ! j’ai eu une bonne idée, d’aller boire un verre de tepache chez mon compère ; sans cela je ne vous aurais jamais trouvé.