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vos phrases, le but mystérieux que vous essayiez d’atteindre. Cette comédie a été bien combinée, et surtout admirablement jouée. Si vous suivez pendant quelques temps encore, les conseils du misérable dont les leçons vous profitent si bien, sur ma foi vous deviendrez un grand artiste.

Le gouverneur se mordit les lèvres jusqu’au sang, mais il ne jugea pas à propos de relever cet amer sarcasme.

— Adieu, señor ; dit-il ; n’imputez qu’à vous seul la situation dans laquelle vous vous trouvez ; préparez-vous à comparaître devant vos juges.

Il se détourna alors et quitta la prison, en ordonnant d’un geste au Chat-Tigre de le suivre, celui-ci hésita un instant ; puis il se rapprocha de l’Olonnais presque à le toucher et le regardant bien en face, avec une expression de sanglante ironie :

— Eh bien, compagnon, lui dit-il, ai-je pris ma revanche ?

— Va Judas ! répondit le jeune homme, en haussant les épaules, tu es trop vil et trop méprisable pour que j’aie seulement la pensée de te haïr !

En parlant ainsi il lui cracha au visage.

À ce sanglant outrage le Chat-Tigre poussa un rugissement de colère, et voulut s’élancer sur l’Olonnais ; mais celui-ci était doué d’une vigueur athlétique, et s’attendait à cette attaque ; il saisit les deux poignets du misérable, et malgré ses efforts désespérés, le contraignit à demeurer immobile.

— Va lâche ! reprit l’Olonnais ; jouis de ton triomphe passager, mais hâte-toi ! car je te le jure si je meurs, je ne mourrai pas sans vengeance et cette vengeance sera terrible !

Il le repoussa alors loin de lui, et cela si brusquement que le Chat-Tigre recula en chancelant jusqu’à la muraille contre laquelle il se heurta avec force ; il se redressa tout étourdi et lançant un regard horrible à son ennemi :