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et comme il arrive qu’en croyant vous inspirer une idée, on vous en donne une autre. Cette dénonciation singulière me fit réfléchir que l’homme qui en était l’auteur, et dont l’arrivée à la Vera-Cruz n’a précédé la vôtre que de quelques jours, s’était pour la première fois présenté à moi, porteur d’une lettre du gouverneur général de Cuba, dans laquelle S. E. me recommandait cet homme dans des termes assez ambigus, et qui soit dit entre nous, ne prouvent guère en sa faveur. Cependant je fus forcé de faire droit à cette lettre, et j’employai cet homme à des affaires de police. Lorsqu’il vous eut dénoncé, je lui demandai si lui, qui vous accusait d’être un ladron, n’en était pas un lui-même ; s’il n’avait pas trompé la confiance du gouverneur de Cuba, et si en réalité, ce n’était pas lui qui fût l’espion des bandits.

— Je vous demande pardon, seigneurie, mais je ne saisis pas bien, à la suite de quelles déductions cette pensée a pu vous venir.

— Oh ! bien naturellement ; cet homme doit nourrir contre vous une haine secrète ; peut-être la crainte d’être démasqué par vous, qui le connaissez sans doute, et avez surpris quelques-uns de ses secrets ; je ne vois que ce motif, pour justifier l’insistance qu’il a mise à vous arrêter lui-même et l’a conduit à vous tendre le guet-apens dans lequel vous êtes tombé ; ne trouvez-vous pas qu’il y a beaucoup de vrai dans tout ce que je vous dis ?

— En effet, seigneurie, vos conjectures sont justes jusqu’à un certain point. Je connais cet homme ; et non-seulement lui, mais encore son compagnon.

— Ah ! oui, un autre drôle de la même espèce. Eh bien ! puisque vous le connaissez, qu’en pensez-vous ?

— Ma foi, seigneurie, pas grand’chose de bon ; mais comme je ne veux pas que vous vous trompiez à mes paroles, je dois vous dire que je ne connais ces individus que depuis très-peu de temps.

— Ah ! fit le gouverneur d’un air désappointé.

— Voici toute l’affaire, reprit imperturbablement