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là ; et que notre conversation finisse avant que d’avoir commencé. Si bas que je paraisse être tombé, grâce à Dieu, je ne suis pas encore à terre ; peut-être mes ennemis se réjouissent-ils trop tôt de leur prétendue victoire, et me sera-t-il plus aisé que vous ne le supposez de faire éclater mon innocence aux yeux de tous.

— Cependant, monseigneur, si madame la duchesse…

— Brisons là ; pas un mot de plus, señor.

Le duc se leva en étendant le bras et montrant la porte du doigt.

Tout à coup et avant que le capitaine eut eu le temps de répondre, la porte s’ouvrit brusquement ; la duchesse entra.

— Ne sortez pas, señor ! dit-elle d’une voix ferme, à l’officier.

Et refermant la porte derrière elle, elle traversa le cabinet et fut s’asseoir auprès de son mari.

Les deux hommes, surpris par cette entrée subite, étaient demeurés immobiles et muets.

— Pardonnez-moi, monsieur, dit madame de la Torre, la faute que j’ai commise et dont je m’accuse devant vous ; les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons sont tellement graves, qu’il me sera je le crois facile de me justifier à vos yeux ; lorsque vous m’avez fait dire il y a un instant, que vous ne pouviez pas me recevoir, au lieu de me retirer ainsi que je l’aurais dû faire ; je suis demeurée là, derrière cette porte maintenue entr’ouverte, en proie à une inquiétude à laquelle je ne me sentais pas la force de résister ; j’ai écouté ce qui se disait dans ce cabinet ; les paroles prononcées, je les ai entendues toutes, j’ai fait plus, à force de fouiller dans mes souvenirs, je les ai si bien réveillés ; ils sont à présent si présents à ma mémoire, que je vous donnerai, moi, cette explication, que prétendait vous donner cet homme ; de plus, je vous dirai qui il est.

— Madame ! fit le duc.

— Oui, continua-t-elle, il faut enfin que toutes ces trames s’éclaircissent ; que le jour se fasse autour de