Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Au nom du ciel ! monseigneur, dans votre intérêt, comme dans celui de madame la duchesse, lui dit-il, qu’elle n’entre pas, et surtout qu’elle n’entende pas un mot de ce que vous et moi allons dire.

Le duc fixa un regard surpris sur son étrange interlocuteur ; celui-ci, sans ajouter un mot ; lui fit de la tête un geste tellement suppliant, que le duc, dont l’intérêt et la curiosité étaient éveillés au dernier point, se tourna vers le valet et lui dit :

— Priez madame la duchesse de m’excuser ; je suis, en ce moment, avec une personne qui m’entretient de choses fort graves ; dès que je serai libre, je m’empresserai de me rendre près d’elle ; j’ai fait ce que vous désirez, ajouta le duc, en se tournant vers le capitaine.

— Et je vous en remercie, monseigneur ; autant pour vous que pour moi.

— Cette fois, señor, vous allez vous expliquer.

— Oui, monseigneur, et d’abord, laissez-moi vous dire ceci : Personne ne croit aux bruits calomnieux répandus sur le compte de V. E. Vos ennemis ont ourdi dans l’ombre le complot qu’ils exécutent aujourd’hui. Ils savent que vous êtes innocent, mais ils veulent vous perdre, et ils vous perdront. Avant votre départ d’Espagne, plusieurs de vos domestiques ont été achetés ; des lettres précieuses vous ont été dérobées ; d’habiles faussaires se sont chargés de modifier le texte de quelques-unes de ces lettres, d’en composer d’autres ; cela a été fait avec une perfection telle, monseigneur, que vous-même, si on vous les soumettait, vous ne pourriez reconnaître les lettres fausses de celles qui ne le sont pas, et prouver que vous n’êtes pas l’auteur de cette correspondance qu’on vous impute. Comme je veux que vous sachiez bien tout, je vous avouerai que j’ai été un des agents les plus actifs de cette machination ; non pas que j’eusse contre vous, monseigneur, un motif de haine quelconque ; non, je vous le répète, je ne vous hais pas ; je ne cherche pas à vous nuire ; si je le fais, ce ne sera que parce que vous m’y oblige-