Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire mes adieux, et en même temps de vous adresser tous mes souhaits, pour que vous rencontriez au milieu de vos compatriotes, autant de respectueuses sympathies que vous en avez trouvé parmi nous ; vous allez occuper une position presque royale ; mais mieux que moi, vous le savez sans doute, M. le duc, il n’y a rien de stable que le malheur ; Dieu veuille que ceux qui pendant de si longues années, ont poursuivi votre famille ne vous atteignent pas de nouveau. Mais, ajouta-t-il, en jetant un regard sur doña Violenta, dont les yeux étaient ardemment fixés sur son mâle visage, si, ce que Dieu ne veuille, vos ennemis l’emportaient de nouveau sur vous ; je crois être ici l’interprète de tous mes compagnons, en vous rappelant que sur un rocher perdu de l’Atlantique, il existe des cœurs qui battent pour vous. Vous êtes l’hôte des frères de la Côte, ne l’oubliez pas plus qu’ils ne l’oublieront eux-mêmes. Le jour où vous aurez besoin de leur appui, vous les trouverez tous, prêts à vous défendre. Un mot seulement, un chiffre, un signe quelconque, et nous accourrons vers vous, comme un vol de vautours. Malheur, alors, à ceux qui oseront nous barrer le passage !

— Je n’attendais pas moins de vous, riposta le duc avec chaleur, en lui serrant cordialement la main ; si je suis né en Espagne, j’ai été élevé en France ; c’est dans ce pays que j’ai aimé et souffert, je suis donc Français de cœur ! je vous remercie du fond de l’âme de cette offre généreuse ; cette offre je l’accepte ; ainsi que vous-même me l’avez rappelé, je n’oublierai jamais que j’ai été l’hôte des frères de la Côte ; le jour ou j’aurai besoin d’eux je n’hésiterai pas à les appeler ; embrassez-moi, l’Olonnais, nous nous séparons comme deux frères, deux amis. Un de mes plus doux souvenir sera les quelques jours heureux que j’ai passés à St.-Domingue, parmi les flibustiers ; ces hommes si méconnus, et qui cependant méritent tant d’être appréciés à leur valeur. Adieu à vous, l’Olonnais, adieu à vous tous, messieurs ; n’oubliez pas que le duc de la Torre est vice-roi du Pé-