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— Eh ! eh ! jeune homme, vous avez là, sur ma foi, de bons certificats, des papiers fort utiles, qui pourront au besoin vous rendre probablement de grands services ; pour cette fois, ils vous sont inutiles ; il est évident pour moi que la malignité seule, a pu inventer le crime que l’on vous impute.

Tout en parlant ainsi, le digne juge examinait sournoisement les deux jeunes gens, afin de lire sur leurs visages l’impression produite par ses amicales paroles.

Mais cette fois encore, il en fut pour ses frais de rouerie, ou plutôt, soyons polis, de diplomatie ; il ne lut autre chose sur les traits des deux jeunes gens, que la satisfaction de voir qu’une impartiale justice leur était rendue, et que leur loyauté n’était plus mise en doute.

— Je suis heureux, señores, reprit le juge, de voir que je ne m’étais pas trompé dans la bonne opinion que j’avais conçue de vous ; vous êtes libres ; seulement, je vous demande votre parole de ne pas retourner dans l’intérieur, sans m’en avoir prévenu.

— De grand cœur, señor Juez, cette condition n’a rien d’offensant pour nous, répondit l’Olonnais ; nous nous tiendrons à vos ordres ; du reste, nous n’avions pas l’intention, croyez-le, de retourner à Queretaro sans vous en prévenir d’abord, et ensuite sans nous munir des papiers exigés par la loi, et indispensables à tout voyageur, se rendant dans les terres tempérées.

— À la bonne heure, jeunes gens, voilà qui me plaît ; je suis heureux de vous voir à si bon marché hors des griffes crochus de dame justice ; eh ! eh ! la justice espagnole est comme celle de tous les pays ; quand elle tient, elle serre fort et ne relâche pas facilement ; qu’en pensez-vous ?

Cette flèche du Parthe, lancée un peu à l’aventure, par le Juez de Letras, retomba inoffensive et sans produire l’effet que peut-être en attendait le digne magistrat.

— Señor, répondit l’Olonnais, comme je n’ai jamais quitté le Mexique j’ignore de quelle façon la justice