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Ce récit que nous passerons également sous silence, dura assez longtemps et fut écouté avec la plus sérieuse attention par les flibustiers.

— Ainsi, dit Vent-en-Panne lorsque Pitrians se tut, ainsi cette vipère de Chat-Tigre et cette chenille de Bothwell sont à la Vera-Cruz ? Tout cela est fort grave, mon gars ; ces drôles manigancent évidemment quelque infamie.

— Cela ne fait pas de doute, dit Pitrians.

— Oh ! je m’entends ; les infamies de scélérats de cette espèce sont en général quelque chose d’horrible et d’atroce ; ce qui me chagrine dans tout cela, c’est l’indifférence affectée du duc de la Torre ; je lui croyais plus de résolution et d’initiative ; je vois avec regret combien je me suis trompé sur son compte.

— Oui, et du tout au tout ; dit Pitrians, c’est un caractère mou, irrésolu, qui ne sait ce qu’il veut.

— Vive Dieu ! s’écria le vieux flibustier, s’il ne s’agissait que de lui, je jure que je le laisserais se tirer de là comme il pourrait ! mais il y a deux femmes que je veux sauver à tout prix ; et puis, ajouta-t-il avec un sourire amer, en jetant un regard de côté sur les flibustiers, la Vera-Cruz est une ville riche de nom et de fait, on peut y faire un magnifique butin.

— Qui nous empêche de nous en emparer ? dit David.

— Tu t’en emparerais, toi ? dit Vent-en-Panne en riant.

— Certes, je m’en emparerais ; pas tout seul, bien entendu ; mais si j’avais seulement avec moi quatre ou cinq cents bons compagnons, cela ne pèserait pas une once.

— Après tout on peut voir ; dit Vent-en-Panne d’un air pensif.

— Vous n’abandonneriez pas les deux dames, dit Pitrians.

— Pour rien au monde ! mon gars ; mais encore faut-il que cette affaire soit menée avec intelligence ; je ne veux pas m’exposer à une défaite.