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et se retirer précipitamment, comme si le digne gentilhomme eut éprouvé non pas un remords, mais la crainte que l’Olonnais ne mît sa menace à exécution.

L’Olonnais le guettait, comme un chat guette une souris ; il arriva un moment où Mastrillo complétement à sec, jeta ses six dernières onces sur le tapis ; elles furent perdues en un clin d’œil.

Tout en battant les cartes, l’Olonnais se détourna une seconde, pour prier Pitrians de remplir son verre, Mastrillo saisissant l’occasion aux cheveux, avança la main ; mais tout à coup il poussa un effroyable hurlement de douleur.

Prompt comme la foudre, l’Olonnais avait cloué cette main pleine d’or sur la table.

— Je vous avais prévenu, señor ; dit-il froidement.

Goddam ! hijo del diablo ! By god ! s’écria Mastrillo, auquel la douleur et la rage faisaient oublier son rôle, et qui essayait vainement de saisir le manche du poignard, afin de dégager sa main.

Ce poignard était solidement maintenu par l’Olonnais.

— Eh ! qu’est cela ? s’écria le flibustier avec une surprise parfaitement jouée, qu’avons-nous ici ? un inglès ! un gringo ! un hérétique ! Dios me libre ! señores, cet homme est un espion des Ladrones ! comment a-t-il pu se faufiler parmi nous ?

Les spectateurs de cette scène étrange étaient en proie à une vive agitation. El Gato-Montès ne savait que dire. En effet, son compagnon s’était dénoncé lui-même ; un grand tumulte régnait dans la salle, maintenant remplie d’un grand nombre d’individus, attirés par le bruit de l’or et assistant à cette merveilleuse partie.

Pitrians avec un sang-froid imperturbable avait fait disparaître dans ses poches toutes ces onces amoncelées devant l’Olonnais ; ne sachant pas ce qui arriverait et jugeant prudent de mettre avant tout le gain de la soirée à l’abri des convoitises des spectateurs.

Cependant le sang coulait à flots de la blessure du