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— Voto à Brios ! le doute est déjà terrible, dans un cas comme celui-là !

— Non, parce que l’affaire est oubliée ; c’était dans une réunion, où je me trouvais, on causait ; tout en causant, la conversation tomba naturellement sur les Ladrones ; comme quelqu’un avançait que certains espions s’étaient glissés dans la ville ; un de mes amis me dit en riant : ah ça, don Pedro, vous êtes arrivé, il y a dix jours à la Ciudad, en compagnie de deux arrieros, tierras à dentro, peut-être sont-ils des Ladrones ? Alors moi je ripostai aussitôt : il est bien facile de prouver le contraire ; d’abord ils ont une recua de plusieurs mules ; puis ils possèdent un assortiment de marchandises précieuses, qu’ils vendent très-consciencieusement ; en admettant que ces hommes fussent des Ladrones, comment leurs mules auraient-elles passé la mer ? Là dessus un rire général éclata et on changea de conversation ; mais chose singulière, la même question m’a été adressée plusieurs fois et par des personnes différentes.

— De sorte que vous commencez à le croire ? fit l’Olonnais en riant.

— Moi ! Dieu m’en garde, señor ! je vois trop bien que vous ne vous occupez que de votre commerce ; de plus, depuis que je vous connais, j’ai été à même de vous apprécier comme vous le méritez ; mais vous savez le proverbe : Si l’on t’accuse d’avoir volé la Giralda de Seville, commence par te sauver, puis tu prouveras que la Giralda est toujours à sa place, et que par conséquent tu ne l’as pas emportée.

— Ainsi vous nous conseillez de nous sauver ?

— Nullement ; ce serait une double maladresse ; dabord parce qu’il ne s’agit ici que de cancans sans importance, et qu’ensuite votre départ changerait ces cancans en soupçons ; ce qui par la suite vous occasionnerait peut-être de graves désagréments ; le but de ma visite est tout simplement celui-ci : vous prouver mon estime pour vous, le cas que je fais de votre