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ment ; le bruit du coup de feu s’envolait, mourant sans écho sous le couvert.

Bien qu’il feignît l’indifférence et presque la gaieté, pour ne pas effrayer sa compagne, le jeune homme était en proie à une douleur, que chaque seconde qui s’écoulait rendait plus intense ; il sentait que plus il marchait, plus il s’égarait.

Les arbres se succédaient les uns aux autres, se ressemblant tous, comme s’ils eussent été taillés sur le même modèle ; les forces de la jeune fille s’épuisaient, elle commençait à peser lourdement au bras du boucanier ; bien qu’elle ne se plaignit pas, qu’elle essayât de sourire, il était facile de s’apercevoir que sa fatigue était grande.

Afin de ne pas épuiser sa petite provision de poudre, le flibustier avait été contraint, de cesser de décharger son arme.

Le jour s’avançait ; la lueur sombre qui régnait sous le couvert se faisait de plus en plus obscure ; bientôt les forces de la jeune fille la trahirent complètement ; elle s’affaissa sur elle-même.

L’Olonnais avec cette énergie que donne le désespoir, enleva la pauvre enfant à demi-évanouie, dans ses bras et essaya de continuer ses recherches.

Ce n’était pas sans un sentiment de joie douloureuse, qu’il sentait les boucles soyeuses et parfumées de la jeune fille, dont la tête languissante reposait sur son épaule, frôler doucement son visage.

Mais les forces humaines ont des limites qu’elles ne sauraient impunément franchir ; le flibustier sentait le sang lui monter à la gorge, ses tempes battaient à se rompre, des lames de feu traversaient son regard ; il n’avançait plus qu’avec peine, marchait en chancelant comme un homme ivre ; prévoyant avec terreur, que bientôt il tomberait vaincu, aux pieds de celle qu’il prétendait sauver ; quelques minutes encore, et c’en était fait.

Tout à coup, une voix claire, aux notes cristallines se fit entendre sous la feuillée.