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t-il quelqu’un ? ce ne sont pas des Caraïbes ; ils ont, depuis longtemps déjà, abandonné ces parages ; de plus ils ne se hasarderaient pas à venir si près de nous. Que diable cela peut-il être ? Ma foi, puisque je suis venu jusqu’ici, j’ai bien envie de pousser jusque là-bas ? Qui sait, si ce n’est pas la volonté de Dieu, qui m’a conduit ici ! Pardieu ! je n’en aurai pas le démenti ! je veux voir quels sont les drôles qui campent en cet endroit ; il est neuf heures du soir à peine, il me faudra tout au plus une heure pour atteindre les mornes, ce n’est rien. Peut-être ferai-je une découverte intéressante ; on ne sait pas ce qui peut arriver. Allons, Gavacho mon ami, il faut que tu traverses la rivière, dit-il en s’adressant au molosse ; celui-ci fit aussitôt frétiller sa queue comme un balai ; cela ne te déplaît pas trop ? Eh bien, en avant, mon bon chien !

Vent-en-Panne entra alors résolûment dans la rivière, sans plus se préoccuper de se mouiller, que si l’eau n’eut pas existé.

On était à l’époque des grandes chaleurs, les rivières se trouvaient presque à sec.

Cependant vers le milieu du courant, l’eau montait ; si bien que le flibustier en eut presque jusqu’aux aisselles ; malgré cela il continua à marcher en avant, sans prendre d’autre précaution, que de lever les bras en l’air, afin de garantir son fusil et ses munitions, de tout contact avec l’humidité.

Du reste la profondeur de la rivière diminua aussi rapidement qu’elle avait augmenté ; lorsque Vent-en-Panne aborda la rive opposée, l’eau ne lui venait plus qu’à mi-jambe.

L’homme et le chien firent une halte de deux ou trois minutes ; l’homme, pour tordre tant bien que mal ses habits, le chien, pour se secouer ; puis tous deux reprirent leur course vers la lumière qu’ils apercevaient toujours devant eux, et qui leur servait de phare.

Malheureusement la nuit, il est presque impossible de se rendre compte des distances.