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core au cœur quelques bons sentiments ? je te l’avoue franchement, il me répugnerait de te tuer comme un chien, sur le bord de cette rivière.

— Merci de la comparaison, fit le blessé avec amertume.

— Cependant, continua Vent-en-Panne, je n’hésiterais pas à le faire : puis-je compter sur ta parole d’honneur.

— Oui, si je te la donne ; ne suis-je pas gentilhomme ?

— Hum ! tu l’es si peu à présent ; enfin cette parole, je l’exige.

— Il s’agit de savoir à quelles conditions ?

— Eh quoi, dans la situation où tu es, tu oses encore marchander ta vie ?

— Pourquoi pas ? que peux-tu me faire ? me tuer ? eh bien, après ? Tout d’abord je t’avertis que quoi qu’il arrive, quoi que tu décides de moi, tant qu’il me restera un souffle de vie, je ne renoncerai à aucune de mes haines ; elles sont, pour ainsi dire, le souffle de mes narines : c’est dans l’espoir de les assouvir que j’ai accepté la vie misérable que tu m’as faite ; maintenant parle ; quelles sont tes conditions ?

— Ces conditions sont bien simples ; je te l’ai dit et je te le répète ; je m’intéresse très médiocrement au duc de la Torre et à sa famille ; il est Espagnol, pour moi, cela suffit ; seulement, cet homme est en ce moment l’hôte des Frères de la Côte. Comme tel, tant qu’il lui plaira de demeurer dans l’île, il doit être respecté et à l’abri de toute insulte ; je t’avertis loyalement, Gaston, que ce soir même, ou demain au plus tard, le duc sera mis par moi, en garde contre toi et ton frère. Me promets-tu de ne rien tenter contre lui, tant qu’il sera à Saint-Domingue que, du reste, il doit quitter d’un moment à l’autre.

— Oui, je te le promets, je t’en donne ma parole de gentilhomme.

— C’est bien ; en supposant que je te laisse libre,