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leurs feutres, dont les longues plumes balayaient le sol, et saluèrent respectueusement la jeune fille.

Celle-ci leur fit une silencieuse révérence ; elle se préparait à traverser la pièce, et à sortir par une autre porte donnant sur l’escalier en haut duquel se trouvait sa chambre à coucher, lorsque Bothwell fit un pas en avant et après l’avoir saluée de nouveau avec autant de respect que la première fois :

— Bonsoir, Fleur-de-Mai ; lui dit-il avec douceur.

La jeune fille s’arrêta indécise.

— Ne veux-tu pas accepter mes souhaits pour ton repos, chère enfant ? reprit le boucanier.

La jeune fille hocha doucement la tête, une expression de mélancolie envahit son visage, et laissant errer autour d’elle un regard rêveur :

— Les souhaits des méchants déplaisent au Seigneur ; murmura-t-elle presque à voix basse.

— Que veux-tu dire, enfant ? reprit le boucanier en tressaillant ; suis-je donc un méchant ! suis je donc ton ennemi ?

— Je n’ai pas d’ennemis, moi pauvre fille, dit-elle en hochant la tête ; capitaine Bothwell, laisse-moi passer ; je n’ai pas fait encore ma prière.

Elle fit un pas pour s’éloigner, mais s’arrêtant aussitôt :

— Capitaine Bothwell, dit-elle, prends garde ! Dieu n’aime pas les hommes de sang. Tu viens dans cette maison, avec des pensées de trahison ; Dieu te voit ; il te punira !

Et laissant les trois hommes atterrés de cette prédiction sinistre, l’enfant s’envola légère comme un oiseau et disparut.

La porte en se refermant, apprit aux boucaniers qu’ils étaient seuls de nouveau.

— Cordieu ! s’écria le Chat-Tigre, voilà une donzelle bien hardie, de proférer de telles paroles, ne craint-elle pas ?…

— Elle n’a rien à craindre, ni de moi, ni de personne ; dit Bothwell en relevant la tête.