Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Est-ce tout ce que vous aviez à me dire ?

— Pardon, quelques mots encore.

— Faites vite ! je suis pressé.

— Bothwell, mon cher camarade, vous êtes jeune, brave et intelligent, trois raisons suffisantes pour atteindre aussi haut que vous le pouvez prétendre ; mais vous êtes envieux, fourbe et avare ; prenez garde que ces trois vices ne vous jouent quelque jour un mauvais tour. L’intérêt que je vous porte est très-vif ; il me peinerait de vous voir rouler au fond de l’abîme, sur lequel vous vous penchez imprudemment. Je vous le conseille, arrêtez-vous lorsqu’il en est temps encore. Quels que soient les projets que vous avez formés, ils avorteront misérablement. Je vous devais cet avertissement, à cause des bonnes relations que nous avons eues ; je vous le donne ; faites-en votre profit. Quant à votre affaire avec l’Olonnais, demain à huit heures, il vous attendra dans la grande Savane. Adieu.

Il fit un léger salut et s’éloigna.

— Un mot, Montbarts ? lui cria Bothwell.

— Parlez, répondit le flibustier en se rapprochant.

— Si je poursuis les projets auxquels vous faites allusion et que vous semblez avoir devinés…

— Je les ai à peu près devinés, en effet.

— N’importe, serez-vous neutre ?

— Non, répondit nettement Montbarts.

— Vous serez contre moi alors ?

— Oui.

— Merci de votre franchise et à demain.

Ils se séparèrent.

Montbarts rentra chez le duc de la Torre, laissant Bothwell seul sur la grève.

— Eh bien, soit ! murmura le corsaire anglais ; sois contre moi, si cela te plaît, démon ! mais advienne que pourra, ce que j’ai résolu, je le ferai. By god ! il y a longtemps que ta renommée me blesse et que je désire me mesurer avec toi ! la lutte sera belle au moins !

Il faisait nuit noire, la lune n’était pas encore levée ;