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dont il avait accepté l’invitation et en présence de deux dames, surprit tous les convives. Mais aucun d’eux ne commit la faute de faire une observation. Le maître de la maison avait seul le droit d’intervenir ; lui enlever cette initiative eut été le blesser gravement. Chacun le comprit et attendit silencieusement, mais avec une anxiété secrète ce qui allait se passer.

Le duc avait tout vu, mais il avait un tact trop exquis pour ne pas se contenir.

— Mon Dieu ! dit-il de l’air le plus naturel, on a donc oublié de vous servir, monsieur, que vous n’avez pas bu ?

— Nullement, monsieur. Il m’était au contraire facile de remplir mon verre, mais je ne l’ai pas voulu.

— Sans doute, monsieur, vous avez eu de puissants motifs pour agir ainsi ?

— De puissants, de très-puissants motifs, oui, monsieur, répondit-il sur le même ton.

— Ces motifs sont-ils un secret, monsieur ?

— En aucune façon, monsieur le duc.

— Alors je ne commets pas une indiscrétion en vous priant de me les faire connaître ?

— Pas le moins du monde.

— Puisqu’il en est ainsi, monsieur, je vous prie de vous expliquer.

— À quoi bon ? dit Bothwell légèrement.

— Mais tout simplement pour justifier, ce que peut avoir d’étrange pour les personnes présentes, la conduite d’un homme assis à ma table, dont je suis l’hôte, et qui me fait sans provocation de ma part une mortelle injure.

— Je n’ai pas voulu vous insulter, monsieur, mais seulement constater le droit que je possède de ne pas m’associer quand elles me déplaisent, aux santés que vous portez.

— J’attends que vous parliez.

— Soit, puisque vous l’exigez. Cette explication sera brève et vous satisfera je le crois. Je ne suis pas Fran-