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rares intervalles à la conversation, mais ses regards doux et rêveurs se reposaient avec complaisance sur l’Olonnais. Elle paraissait prendre plaisir à l’écouter ; parfois un sympathique sourire se posait sur ses lèvres, quand elle entendait le jeune homme exposer ses rêves d’avenir avec tout le feu et l’enthousiasme de ses vingt ans.

Cependant les personnes invitées par le duc de la Torre arrivaient les unes après les autres. La conversation intime cessa, au grand regret de l’Olonnais, et on parla de choses indifférentes.

Bientôt toutes les personnes invitées se trouvèrent réunies au nombre de sept : M. d’Ogeron, commandant de Lartigues, Montbarts l’exterminateur, Michel le Basque, un célèbre boucanier anglais nommé Bothwell, en relâche depuis quelques jours à Léogane, enfin Pitrians et l’Olonnais ce qui, y compris le maître de la maison et sa famille, complétait le nombre de dix convives.

L’Olonnais apprit plus tard que Vent-en-Panne avait reçu une invitation du duc, mais que le vieux flibustier l’avait déclinée, sous le singulier prétexte qu’il était très fatigué de son voyage à la recherche du Robuste. Bien que le duc de la Torre eût été fort contrarié de ce refus si leste, il n’en laissa rien paraître.

Par une attention délicate, lorsqu’on se mit à table, M. de la Torre plaça l’Olonnais auprès de sa fille et Pitrians à la droite de la duchesse. Le jeune homme d’abord assez interdit reprit peu à peu courage et excité par les sourires charmants de Mlle  de la Torre, il se hasarda à lui dire quelques mots ; sa séduisante voisine se prêta de fort bonne grâce au désir qu’il témoignait de causer avec elle. Bientôt l’Olonnais et la jeune fille furent en conversation réglée. À la vérité il ne se disait que des riens, mais la glace était rompue entre eux. L’Olonnais s’enivrait du son harmonieux de la voix de la jeune fille, qui retentissait dans son cœur comme une suave et douce harmonie, et ces riens qu’il échangeait avec elle le rendaient si heureux, qu’il aurait désiré que le repas ne se terminât jamais.