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— Et tu acceptes ces conditions ?

— Toutes, sans hésitation.

— Maintenant il ne nous reste plus qu’à fixer le temps de notre matelotage. Quelle en sera la durée ? je te laisse libre d’en marquer toi-même l’époque.

— Tu m’y autorises franchement ?

— Certes, et même je t’en prie.

— Eh bien ! puisqu’il en est ainsi, reprit l’Olonnais en lui tendant la main, je désire que notre matelotage ne finisse qu’à la mort de l’un de nous. À toi maintenant à me répondre. Vent-en-Panne lui serra la main.

— J’accepte, matelot, dit-il avec émotion. Je t’avais bien jugé ; tu es un brave cœur.

— Et le rude boucanier se détourna pour essayer une larme qui, sans qu’il comprît pourquoi, mouillait sa paupière.

Après avoir vidé son verre et rallumé sa pipe pour se donner une contenance, il reprit :

— Il va sans dire que tu accrocheras ton hamac ici. Quant à de l’argent je ne t’en parle pas, fit-il, en riant, tu es cousu d’or. Je te montrerai l’endroit où je serre mes piastres et mes onces espagnoles ; quand tu auras dépensé ce que tu as, tu puiseras dans le tas à ta guise.

— Merci, fit simplement l’Olonnais.

— Tu n’as pas d’engagés. Il t’en faut au moins deux. Demain commence la vente des passagers du vaisseau de la Compagnie.

Le Coq ?

— Oui, et comme tu connais ces braves gens, tu feras plus facilement ton choix. Tu en achèteras deux.

— Excuse-moi, matelot, je connais ces braves gens, c’est vrai ; d’autant plus que ce matin encore j’étais moi aussi dans la même situation qu’eux.

— Eh bien ?

— Eh bien ! je t’avoue qu’il me répugnerait de faire un choix parmi eux ; j’aurais l’air d’insulter à leur malheur.

— Ce sentiment est honorable, je l’approuve ; mais