Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous êtes trop exclusif, capitaine, je vous l’affirme.

— Tu le veux ? Soit, j’y consens ; je suis de bonne composition moi ; il y en a une.

— Bon ! ceci est déjà quelque chose. Laquelle, voyons ? La connaissez-vous ?

— Dieu m’en garde ! mais je la devine. C’est sans contredit celle que tu aimes.

Un éclat de rire général accueillit cette réponse. L’Olonnais rit plus fort que les autres, pour cacher sa rougeur.

— Vois-tu, garçon, reprit Vent-en-Panne avec bonhomie, tu es jeune ; eh bien ! crois-moi, méfie-toi de l’amour. C’est une maladie terrible que je ne saurais mieux comparer qu’à la rage. Tout homme convaincu d’être amoureux devrait être tué raide. Ce serait lui rendre un immense service, en l’empêchant de devenir idiot et de commettre une foule de sottises, plus graves et plus compromettantes les unes que les autres.

— Il me semble, capitaine, que vous tenez les femmes en assez médiocre estime, fit le jeune homme en riant.

— Moi ! s’écria le boucanier ; dis donc que je les déteste ! Ces sottes femelles ne sont sur terre que pour notre malheur.

— Il serait cependant difficile de s’en passer absolument.

— Bah ! on trouverait un autre moyen et tout le monde y gagnerait, crois-le bien. Mais assez sur ce sujet. J’ai quelque chose à te dire de sérieux. Ces femelles m’agacent tellement, seulement quand j’y pense, qu’elles me font oublier même mes affaires.

— Bon ! repartit légèrement le jeune homme, c’est un parti pris de votre part de dénigrer les femmes ! je suis sûr qu’avant un an vous serez marié vous-même.

— Moi ! Corbieu ! j’aimerais mieux cent fois être pendu par ces brutes de Gavachos ! s’écria-t-il avec énergie. Mais revenons à ce que je voulais te dire, ajouta-t-il plus doucement.