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rement le duc de la Torre. Je l’y ai vu entrer moi-même, avec ses bagages.

— Merci, Pitrians ! s’écria vivement l’Olonnais, et je vais… ajouta-t-il en faisant un mouvement pour se lever.

— Tu vas rester là, cher ami, reprit Pitrians, en le retenant par la manche.

— Parce que ?…

— Pour deux raisons ; la première c’est que dans un quart d’heure nous devons nous rendre au gouvernement ; la seconde que M. de la Torre et sa famille sont absents de chez eux. Ils déjeunent chez M. d’Ogeron.

— Tu en es sûr ?

— Puisque je te le dis. Est-ce que je t’ai jamais trompé ?

— C’est vrai. Pardonne-moi, dit-il en se rasseyant.

Pitrians remplit les verres. Au moment où il prenait le sien pour trinquer avec son ami, une main se posa sur son bras et une voix cria gaîment à son oreille :

— Eh, Cormoran ! un gobelet de plus ici ! En double, mon gars ! nous sommes pressés !

Le valet répondant à ce nom mélodieux, que sa ressemblance frappante avec ledit animal, lui avait sans doute valu, se hâta d’obéir.

— Le capitaine Vent-en-Panne ! s’écria Pitrians avec une surprise joyeuse.

— Moi-même, tout à votre service, messieurs. Là, c’est bien ; merci, Cormoran. Versez, lieutenant. À la vôtre, messieurs !

Et il dégusta son verre de vin en véritable connaisseur.

Tout cela avait été dit, fait et terminé avec une rapidité telle, que les deux marins n’étaient pas encore revenus de la surprise qu’ils avaient éprouvée.

— Quel heureux hasard vous amène par ici, capitaine ? demanda l’Olonnais en lui tendant la main par un mouvement spontané.

— Le hasard n’est pour rien dans l’affaire, répondit