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propres ressources accomplissent, quand l’occasion s’en présente, les actions les plus héroïques et les faits d’armes les plus éclatants et les plus extraordinaires. C’est encore une gloire, sur les rivages du Nouveau-Monde, que de porter le titre de frère de la Côte. Tous, par une franc-maçonnerie mystérieuse, se reconnaissent entre eux et, quand vient l’heure d’agir, se réunissent sous les ordres d’un chef choisi par eux, et qui n’est que le primus inter pares.

Les flibustiers étaient des hommes à l’organisation puissante et virile, aux aspirations altières ; qui, ne pouvant se courber sous aucun joug, étouffaient au milieu de la civilisation barbare, despotique et féodale de la vieille Europe. Aspirant la liberté par tous les pores, trop faibles individuellement, pour la conquérir dans leurs patries respectives, ils protestèrent à leur façon, contre la sujétion avilissante que leur imposaient les gouvernements d’alors, en se déclarant libres de leur propre chef. En un mot, c’étaient des déclassés, qui seraient aujourd’hui des démocrates, après avoir été des héros et des révolutionnaires, comme leurs fils de 1789. Ils n’avaient qu’un but : vivre libres. Malheureusement, comme la plus grande partie d’entre eux agissaient plutôt par instinct que par calcul, ils confondirent trop souvent la licence avec la liberté.

Ces hommes qui pendant plus de quatre-vingts ans tinrent le vieux monde en échec, n’étaient et ne pouvaient être de vulgaires brigands. Ils étaient des précurseurs ; ils donnèrent le premier coup de hache dans le tronc immense de l’arbre féodal ; ils n’eurent d’autre tort que de rêver pour eux, par la violence, cette liberté dont, après tant de luttes nous entrevoyons l’aurore et que nos fils, nous en avons la conviction, conquerront tout entière par leur sagesse.

À l’époque où se passe cette histoire, les flibustiers étaient à l’apogée de leur puissance ; ils régnaient en maîtres, non seulement sur l’Atlantique ; mais souvent leurs vaisseaux redoutés, avaient sillonné les eaux de