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que je suis appelé à remplir les fonctions de grand justicier, et à faire respecter la loi indignement violée par un misérable indigne de toute pitié, plus le coupable me tient de près, plus je dois être sévère ; plus il m’est défendu d’abandonner mon poste. Quoi qu’il arrive, messieurs, je ne faillirai pas à mon devoir. Je vous dois cet exemple à vous qui, pour la plupart, commanderez un jour ; vous vous souviendrez alors qu’un homme d’honneur, si cher que cela coûte à son cœur, ne transige jamais avec son devoir.

Et se tournant vers le lieutenant qui attendait ses ordres :

— Faites comparaître l’accusé devant le conseil, dit-il.

Un murmure d’admiration, presque aussitôt étouffé, parcourut les rangs de la foule, comme un courant électrique.

On entendit le pas cadencé d’une troupe de soldats ; les matelots s’écartèrent à droite et à gauche, ouvrant ainsi un large passage au prisonnier qui, entoure de son escorte, franchit la balustrade, et s’arrêta en face du président du conseil.

Les soldats firent halte à deux pas derrière l’officier et demeurèrent immobiles.

La contenance du comte Horace était significative. IL portait la tête haute, avait le regard dédaigneux et la physionomie railleuse.

Pendant deux ou trois minutes, un siècle ! un silence funèbre pesa sur l’assemblée.

— Lisez le rapport, dit froidement le commandant.

L’écrivain du vaisseau se leva et lut le rapport d’une voix lente et monotone.

Lorsqu’il eut enfin terminé il salua, et reprit sa place.

Le comte Horace souriait.

— Monsieur le duc de la Torre, dit le commandant, les faits portés sur ce rapport sont-ils exacts ?