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de choses ne pouvait durer longtemps ; qu’une catastrophe était imminente. On vivait donc, non pas dans l’attente, mais dans la prévision et la crainte d’un événement sinistre ; lorsqu’une nuit, vers quatre heures du matin environ, quelques instants après le changement de quart, un cri terrible troubla tout à coup le silence ; des appels : Au secours ! répétés, accompagnés de piétinements confus, se firent entendre, du côté de l’appartement habité par M. de la Torre.

L’Olonnais, et la plupart des hommes de l’équipage, se précipitèrent en toute hâte vers l’endroit, d’où s’élevait le tumulte.

Un spectacle affreux s’offrit à leurs regards, et les glaça d’épouvante.

La porte de l’appartement du duc de la Torre était brisée et arrachée de ses gonds. Sur le seuil de la seconde pièce, servant de chambre à coucher à doña Violenta, le capitaine Guichard, le crâne horriblement fracassé par un coup de hache, gisait dans une mare de sang, et se débattait dans les dernières convulsions de l’agonie ; mademoiselle de la Torre, en costume de nuit, était évanouie dans les bras de son père, qui se tenait immobile, résolu, l’épée à la main, sur le seuil de sa chambre à coucher ; derrière lui on apercevait madame de la Torre privée de connaissance, tombée sur les genoux, la tête appuyée sur un fauteuil.

Dans la chambre même de mademoiselle de la Torre, dont la fenêtre avait été brisée du dehors, deux hommes enlacés comme deux serpents, se roulaient sur le tapis, haletant et rugissant de colère.

Ces deux hommes étaient Pitrians et le comte Horace.

Chacun d’eux faisait des efforts prodigieux, pour arracher la vie à son adversaire ; les poignards dont ils étaient armés, lançaient de sinistres lueurs ; mais tous deux jeunes, agiles, adroits, vigoureux, ils neutralisaient leurs communs efforts, et s’épuisaient sans résultat, dans une lutte désespérée.

Par un bond de tigre, l’Olonnais s’élança par dessus