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— Avais-je raison ? murmura-t-il à son oreille d’un ton de reproche.

Le comte Horace lui lança un regard farouche, mais ne répondit rien.

Ce qui suivit est facile à comprendre. Le commandant du vaisseau espagnol le Santiago, croiseur de S. M. Catholique, prit possession du navire le Coq ; l’équipage français fut transféré à bord du vaisseau, et mis aux fers ; seuls les officiers et les passagers demeurèrent sur le Coq, à bord duquel fut mis un fort équipage espagnol, pour les surveiller et manœuvrer le bâtiment. Le commandant du Santiago en reconnaissant le duc de la Torre, avait voulu lui céder son propre appartement ; mais le duc préféra garder ses cabines du bâtiment français, dont il appréciait fort les dispositions commodes. Les deux navires se dirigèrent alors de conserve vers Cuba.

Le désespoir de l’Olonnais était affreux. Grâce à l’incurie du comte, son avenir était perdu ; tous ses plans renversés sans retour. Prisonnier des Espagnols, combien d’années s’écouleraient, avant qu’il fût rendu à la liberté ? en supposant qu’il ne succombât pas aux tortures incessantes d’une captivité cruelle. La barbarie avec laquelle à cette époque les Espagnols traitaient leurs malheureux prisonniers, faisait frémir d’épouvante même les hommes les plus braves ; ils préféraient la mort à tomber entre les mains de si féroces ennemis. Et puis ce n’était pas la pensée de cette captivité si horrible qu’elle fût qui, disons-le, effrayait le jeune homme. Seul, abandonné depuis sa naissance, sans famille, sans amis, la mort n’avait rien qui l’épouvantât. Cent fois il avait joué sa vie en riant, pour une misère ; mais que deviendrait-il séparé de la jeune fille ? de cette enfant qu’il aimait de toutes les forces vives de son âme ; à laquelle il aurait fait sans hésiter tous les sacrifices, pour se rapprocher d’elle, et dont il allait être séparé brutalement sans possibilité de la revoir jamais ? Quelle serait son existence alors ? Un supplice de toutes