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légèrement ironique, le comte Horace pirouetta sur les talons, et disparut presque aussitôt par l’écoutille, en chantonnant entre ses dents, un couplet d’une chanson à boire.

L’Olonnais dès qu’il fut seul haussa les épaules, examina la voilure, fixa un instant ses regards sur la mer et la ligne d’horizon, et jeta un coup d’œil sur le compas ; ces diverses précautions prises, il commença une interminable promenade de l’habitacle au grand mât, tournant pour ainsi dire comme une bête fauve dans sa cage, sur un espace de moins de vingt pieds ; et, sa pipe aux dents, il se prépara à passer le moins ennuyeusement possible les quatre heures qu’il avait à demeurer sur le pont. Le moyen lui était facile : il n’avait qu’à penser à celle qu’il aimait, ce qu’il fit aussitôt.

Mais le jeune homme n’eut pas longtemps le loisir de se laisser aller à ses séduisants rêves d’amour : les devoirs de son métier le réveillèrent brusquement et absorbèrent bientôt toute son attention. Pitrians, en allant par hasard sur les barres de perroquet, amarrer deux ou trois rabans qui s’étaient largués, crut voir briller à une courte distance du navire, une lumière qui paraissait et disparaissait tour à tour, obéissant sans doute aux mouvements de la houle ; le matelot se hâta d’achever sa besogne, puis il redescendit sur le pont et informa son ami de ce qu’il avait vu, ou cru voir.

Pitrians était un excellent marin ; l’Olonnais ajouta foi à ce qu’il lui disait, d’autant plus que le souvenir du bâtiment suspect revint aussitôt à sa pensée ; cependant il voulut s’assurer par lui-même de ce qui en était. Il s’arma d’une longue vue de nuit, interrogea minutieusement l’horizon dans la direction que lui indiqua Pitrians, et bientôt il acquit la certitude que celui-ci ne s’était pas trompé.

Le bâtiment aperçu au coucher du soleil était en vue de nouveau et, autant qu’on en pouvait juger, il s’était depuis une heure ou deux sensiblement rapproché du