Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Eh bien ! Pitrians, demanda l’Olonnais avec une certaine hésitation, quoi de nouveau, mon vieux camarade ?

Hâtons-nous de constater que le vieux camarade en question, était un solide gaillard, haut de près de six pieds, taillé en Hercule, à la mine un peu chafouine bien que sympathique, à l’œil fin, perçant et vif, à la physionomie rusée, et âgé à peine de vingt-deux ans.

— Rien qui doive t’inquiéter, matelot, répondit-il en riant. Sur ma parole tu es né coiffé, comme disent les vieilles femmes ; tout tourne à ton gré ; le hasard même semble prendre plaisir à se mettre de la partie, pour mieux arranger les choses.

— Comment cela ? dis vite, matelot.

— Tu vas en juger. Le señor don Blas Sallazar, comte de Médina Campo et duc de la Torre, au diable les Espagnols pour avoir une telle kyrielle de noms !…

— Tu me fais bouillir !

— M’y voici. Il paraît que le dit Seigneur est très-ami de notre roi S. M. Louis XIV, à la cour duquel il réside depuis longtemps

— Que m’importe tout cela ?

— Patience donc ! Il paraît que don Blas, etc., etc., a été nommé vice-roi du Pérou, par le roi d’Espagne, son souverain, qui a pour lui une estime toute particulière.

— Qu’est-ce que cela me fait !

— Plus que tu ne le supposes. Bien que le roi de France et le roi d’Espagne soient en guerre, M. de Colbert avait reçu l’ordre de mettre gracieusement la frégate le Porc-Épic à la disposition du señor don Blas, etc., etc., pour passer au Pérou ; mais comme M. de Colbert a jugé à propos de disposer de la frégate pour surveiller les côtes d’Espagne… Tu m’entends, n’est-ce pas ?

— Parfaitement, mais je ne comprends pas ?

— C’est que tu ne le veux point ; cependant c’est limpide. Le ministre n’osant désobéir aux ordres du roi, s’est entendu avec les directeurs de la Compagnie des In-