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insectes bourdonnent dans l’herbe et qu’au fond de leurs antres ignorés les fauves mêlent leur voix grave à ce concert, tout invite à la rêverie et à la contemplation, et les coureurs des bois se sentent d’autant plus près de Dieu qu’ils sont plus loin des hommes.

Ce sont des natures d’élite, fortement charpentées et taillées en plein bois, que celles de ces hardis explorateurs du désert ; tenus sans cesse en haleine, contraints à une lutte de chaque seconde contre les obstacles qui incessamment surgissent devant eux. Nul danger ne les effraie, nulle difficulté ne les arrête : les périls, ils les bravent ; les difficultés, il les surmontent comme en se jouant ; car, jetés par la volonté divine en dehors de la loi commune, leur existence n’est qu’une suite de péripéties étranges, d’enivrements fiévreux, qui les fait vivre un siècle en quelques minutes.

L’hésitation des rôdeurs de frontières fut courte ; pour ces hommes à demi sauvages, un obstacle à vaincre ne pouvait être qu’un excitant pour leur esprit fertile en ressources.

Les deux hommes, solidement attachés, au moyen des reatas, sur des bâtons posés en croix, furent l’un après l’autre descendus au fond du précipice et couchés sur le bord d’une petite rivière qui coulait silencieusement dans cette plaine basse en formant les plus capricieux méandres.

John Davis, redoutant quelque algarade de la part de ses rancuniers compagnons, avait voulu se charger lui-même de descendre le capitaine, afin d’être certain qu’il arriverait sans encombre dans la prairie.

Lorsque les blessés eurent été enlevés au nid d’ai-