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LES FRANCS TIREURS.

Le Renard Bleu était toujours renversé sur le sol, contenu par le Cerf-Noir, dont le genou pesait sur sa poitrine et neutralisait les efforts inouïs qu’il faisait pour se relever.

Les Apaches, leurs longues flèches barbelées dirigées contre les chasseurs, n’attendaient qu’un mot ou qu’un signe pour commencer l’attaque.

Cependant un silence de mort planait sur la prairie : on aurait dit que ces hommes, avant de s’entre-déchirer, réunissaient toutes leurs forces pour bondir en avant et se précipiter les uns contre les autres.

Ce fut le Cerf-Noir qui rompit le premier le silence.

— Ooah ! s’écria-t-il d’une voix saccadée par la colère, en brandissant autour de la tête de son ennemi son couteau à scalper, dont la lame lançait de sinistres éclairs, je te rencontre donc, chien, voleur, cœur de poule ; je tiens ma vengeance ; enfin, ta chevelure ornera la crinière de mon cheval.

— Tu n’es qu’une vieille femme bavarde ; tes insultes ne peuvent m’atteindre, essaie autre chose ; le Renard-Bleu se rit de toi, tu ne saurais l’obliger à jeter un cri de douleur ou pousser une plainte.

— Je vais suivre ton conseil, s’écria le Cerf-Noir exaspéré, et il saisit la chevelure de son ennemi.

— Arrêtez, je le veux, s’écria le Canadien d’une voix tonnante, en retenant le bras du vindicatif Indien.

Celui-ci obéit.

— Laissez cet homme se relever, continua Tranquille.