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LES FRANCS TIREURS

— Je ne le crois pas, répondit le Cœur-Loyal.

— Dieu le veuille.

— Quel est votre projet ?

— Il est simple : nous ne pouvons triompher des ennemis qui nous enveloppent que par la ruse ; c’est donc elle seule que je veux employer ; il faut à toute force que nous échappions à ces démons rouges.

— C’est juste. Mais, lorsque nous serons parvenus à les dépister, où irons-nous ?

— Il ne faut pas songer, dans l’état de fermentation où se trouve le pays, à faire un long voyage à travers le désert avec deux femmes au milieu de nous : ce serait courir à une perte assurée.

— En effet, mais que faire alors ?

— Mon intention est de me rendre à l’hacienda del Mezquite. C’est encore là, je crois, que ma fille trouvera provisoirement l’abri le plus convenable pour elle.

— Permettez-moi de vous rappeler que c’est vous-même qui avez refusé de recourir à ce moyen de salut.

— C’est vrai. Aussi je ne m’y résous qu’en désespoir de cause. Quant à vous…

— Quant à moi, interrompit vivement le Cœur-Loyal, je vous accompagnerai.

— Merci, s’écria le Canadien avec effusion. Malgré tout le plaisir que me cause votre offre généreuse, je ne puis cependant l’accepter,

— Pourquoi donc cela ?

— Parce que la nation qui vous a adopté réclame votre secours, et que vous ne devez pas le lui refuser.

— Elle attendra ; d’ailleurs le Cerf-Noir se chargera de m’excuser.