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LES FRANCS TIREURS

Tranquille, habitué par la vie qu’il avait menée au désert, à découvrir avec une certaine habileté les véritables sentiments des individus avec lesquels le hasard le mettait en rapport, crut devoir, dans les circonstances présentes, sinon ajouter une foi entière aux protestations de dévouement du moine, du moins paraître complètement s’en rapporter à lui.

— Êtes-vous brave ? lui demanda-t-il en continuant l’entretien.

Fray Antonio, surpris par cette question à brûle-pourpoint hésita un instant.

— C’est selon, dit-il.

— Bien, cette réponse est d’un homme sensé : il y a des moments où le plus brave a peur, nul ne peut répondre de son courage.

Son interlocuteur fit un geste d’assentiment.

— Il s’agit, reprit Tranquille, de tromper un trompeur et de faire avec lui assaut de ruse, me comprenez-vous ?

— Parfaitement, continuez.

— Très-bien. Retournez auprès du Renard-Bleu.

— Hum !

— Vous avez peur ?

— Pas précisément, seulement je crains qu’il ne se porte à quelque extrémité sur ma personne.

— C’est une chance à courir.

— Eh bien, soit ! s’écria-t-il résolument, je la courrai.

Le Canadien le regarda fixement.

— C’est bon, lui dit-il ; tenez, prenez ceci, et au moins si vous êtes attaqué, vous ne mourrez pas sans vengeance.