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— Il faut partir !… Si elle se réveillait ! Oh ! elle ne saura jamais combien je l’aime !…

Il cueillit une fleur d’oranger et la déposa doucement sur la jeune fille, puis il fit quelques pas pour se retirer ; mais, revenant presque aussitôt en arrière, il saisit d’un mouvement nerveux le rebozo de doña Clara qui pendait en dehors du hamac, y appliqua ses lèvres à plusieurs reprises, en disant d’une voix saccadée par l’émotion qu’il éprouvait :

— Il a touché ses cheveux !…

Et, s’élançant hors du bosquet, il s’enfuit à travers la huerta et disparut.

Il avait entendu des pas qui s’approchaient.

En effet, quelques secondes après son départ, don Miguel entra à son tour dans le bosquet.

— Allons ! allons ! dit-il gaiement en secouant le hamac, dormeuse, n’avez-vous pas bientôt fini votre siesta ?

Doña Clara ouvrit les yeux en souriant.

— Je ne dors plus, mon père, dit-elle.

— À la bonne beurre, fit-il, voilà répondre.

Et il s’approcha pour l’embrasser.

Mais soudain, par un mouvement brusque, la jeune fille se redressa comme si elle avait aperçu quelque vision horrible, et son visage se couvrit d’une pâleur livide.

— Qu’est-ce que tu as ? que se passe-t-il ? s’écria l’hacendero avec effroi.

La jeune fille lui montra la fleur d’oranger.

— Eh bien, reprit son père, qu’est-ce que cette fleur a de si effrayant ? elle sera tombée de l’arbre dans ton hamac pendant ton sommeil.

Doña Clara secoua tristement la tête.