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de ce qui s’était passé entre don Pablo et les squatters ; il jura qu’il tirerait, sans tarder, une éclatante vengeance de cette outrecuidante félonie de ces chiens hérétiques, et qu’il était temps de les mettre à la raison.

S’assurant de plus en plus dans sa résolution, il ceignit son épée, donna l’ordre à vingt alguazils bien armés de monter à cheval, et, se mettant à la tête de cette escorte nombreuse, il se dirigea vers la vallée du Bison.

Don Miguel avait assisté avec un secret dépit à ces formidables préparatifs ; il ne comptait que médiocrement sur le courage des agents de la police, et il aurait préféré que le juge le laissât maître d’agir à sa guise ; il avait même essayé adroitement d’obtenir de don Luciano qu’il se contentât de lui donner un mandat en bonne forme, dont il se serait servi comme il l’aurait jugé convenable ; mais le juge, brillant d’une ardeur belliqueuse inaccoutumée, et alléché par la forte somme qu’il avait touchée, n’avait rien voulu entendre, et s’était obstiné à se mettre lui-même à la tête de l’expédition.

Le juge don Luciano Ferez était un gros petit homme d’une soixantaine d’années, rond comme une futaille, à la face réjouie, ornée d’un nez aux teintes vermeilles, et percée de deux petits yeux sournois et égrillards.

Cet homme détestait cordialement les Américains du Nord ; dans l’acte de courage qu’il commettait en ce moment, il entrait au moins autant de haine que d’avarice.

Cependant la petite troupe avait pris un galop allongé et s’avançait rapidement vers la forêt.